Le blog du bateau ivre

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Alexandrie

Alexandra, où l'amour danse avec les draps !
J'en étais là de ma réflexion, le long du chemin de l'Ecole (la rivière, pas l'apprentissage de la lecture) quand je m'arrêtai un instant près d'un magnolia sur le pont de fer forgé où une clé de sol me rappela la présence autrefois dans les lieux du célèbre chanteur.
Souvenir des origines orientales.
Le bateau ne manquant pas d'égyptologues éminents et minantes, c'est l'endroit idéal pour y narrer la vraie histoire d'Alexandrie ! Aussi, ôtez vos oripeaux, mettez vos pagnes (moins transparents pour les femmes que pour les hommes, auraient-elles quelque chose à cacher ?), vêtez vous d'or, parfumez vous d'onguents de cumin et de romarin, de myrte et de lavande, éclairez vos yeux de noir ou de vert (de rage non, mais de kohol), franchissons ensemble le Rubicon (alea jacta est), prenons nos aises au large du Péloponnèse, enjambons, pas de Parme, mais du Santorin, la gigantesque fracture… C'était il y a vingt trois siècles…
Ptolémée 1er avait imaginé un dessein ambitieux pour sa capitale, un endroit où seraient réunis tous les savoirs du monde. Il le réalise en 297 avant notre ère en construisant le Mouseïon (pas le moussaillon, espèce ne vivant qu'en pleine mer) dédié, comme chacun imagine, aux Muses. S'inspirant des écoles de philosophie à Athènes, il bâtit un portique (peripatos) où d'accortes savantes initient leurs hommes aux logues à l'étendue des plaisirs du savoir, une galerie (exèdre), une grande demeure abritant un réfectoire (cantos, devenu depuis en français cantoche) où les membres du musée se restauraient, des jardins, des logements pour les hôtes sans oublier un sanctuaire pour les Muses, auquel il était voué.
Y accueillant les intellectuels du monde antique (la Méditerranée), attirés là par à la fois les trésors culturels présents et par le sort qui leur était financièrement réservé, ce sont tous les grands esprits qui se rencontrent là, tels Hérophile (Gauthier, non bien sûr) qui découvrit la circulation sanguine ou bien Archimède et son pas de vis (ni boulon) ou bien encore un faiseur d'axiomes et adorateur d'Iphigénie, j'ai nommé, vous l'aviez reconnu, Euclide ou bien un as de la forge, Héron (un drôle d'oiseau, celui-là) qui inventa le balancier, le levier, l'horloge à poids et la machine à vapeur, « l'éolipile » ou bien encore Philon dont on ne sut jamais s'il l'avait trouvé. Héron (de cuir) n'était pas un fonctionnaire et travaillait sans relâche avec son ami Ptolémée, le géographe, un homme aux nymes, qui eut l'idée extravagante de dessiner la terre comme une sphère ! Deux savants chargés de la surveillance demandèrent que la machine d'Héron servît à quelque chose et que Ptolémée dessinât Rome au centre de la terre. Le gouverneur Caïus venu inspecter quelque temps plus tard constata que la machine à vapeur permettait maintenant d'ouvrir une porte et que le Colisée se trouvait maintenant au centre d'une carte où le soleil et la lune tournaient autour de la terre !
La proximité de ces savants créa ainsi une atmosphère propice à l'émulation.
Historiquement, c'est à la mort d'Alexandre Le Grand dont il avait partagé l'enfance en Macédoine, avec qui il avait partagé l'enseignement de leur précepte Aristote et dont la légende rapporte qu'il aurait été le fils illégitime du roi Philippe II (de belles légumes en somme) qu'il, en tant qu'officier de la garde royale, hérita de l'Egypte dont il se fit proclamer aussitôt vice-roi. Premier de la lignée pharaonique des Ptolémées, qui comptera treize souverains (dont la célèbre Cléopâtre), surnommé Sôter, le sauveur, il s'attela derechef à l'embellissement de la ville avec le phare, le tombeau d'Alexandre, le musée et donc la grande bibliothèque.
Cette dernière compta vite jusqu'à 700 000 papyrus, renforcée par un dispositif légal de monopole de son industrie. Les Attalides à Pergame, désireux de faire concurrence à Alexandrie, inventèrent donc un nouveau support, le parchemin (pergamenon, mais si ! mais si ! du nom de la ville où il avait été inventé). Pour la collecte des manuscrits, des émissaires parcourent les grandes cités et s'y procurent des livres qu'ils font traduire de l'hébreu, de l'arabe, de l'araméen (Ur), du nabatéen (Pétra) et même du sanscrit en grec par leurs copistes. La légende dit que la Septante (l'essentiel de la Torah actuelle) fut traduite par soixante dix sages isolés chacun sur l'île de Pharos et que leurs traductions comparées furent absolument identiques !
L'engouement à l'époque pour les livres était tel que les méthodes pour se les procurer devinrent draconiennes. Ainsi Ptolémée III exigeait-il des voyageurs qu'ils déclarent les manuscrits en leur possession dont une copie était faite après quoi l'original leur était rendu (ou le contraire !). Les textes des grands auteurs étaient naturellement ceux qui généraient le plus de convoitise. Aux Athéniens, il demanda le prêt des manuscrits originaux d'Eschyle, Sophocle ou Euripide pour en faire des copies. Ceux-ci, méfiants, exigèrent de lui une caution de 15 talents d'argent. Ptolémée ne restitua que des copies et perdit sa caution …
Ces précieuses collections nécessitaient d'être classées, répertoriées en en précisant l'auteur, la nature de l'ouvrage, sa longueur et un résumé du contenu. C'est donc aux savants que revenait l'honneur d'être bibliothécaires…
Mais hélas, tout partit en fumée sans qu'aucune hypothèse sérieuse ne vînt tenter d'expliquer le plus grand autodafé de l'histoire…



28/04/2006
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