Le blog du bateau ivre

Le blog du bateau ivre

Petits Suisses


On ne saurait sous estimer l’importance réelle du serment du Grütli (1er août 1291) qui concrétisa un mouvement communautaire, rural et alpestre (soit du mécréant) s’étendant du nord de l’Italie, au Tyrol, jusques en Dauphiné. En dépit du système féodal, le vieux droit alaman y avait laissé des traces et la distinction entre serfs et hommes libres y était plus faible qu’ailleurs.

Ce serment, sarment de la future révolution française qui se référa à ses membres comme à ceux ayant libéré leur pays de l’étendard sanglant de la tyrannie, fut signé par et entre trois cantons (Waldstätten), ceux d’Uri, de Schwytz et d’Unterwald (les deux Ob- et Nidwald).

Uri fut longtemps un trou, sa vallée un cul-de-sac et ses habitants des patates. Ce n’est qu’à partir de la montée vers le col (du St Gothard) et des va-et vient incessants qui y furent générés que commença son érection en tant que ville prospère. Population légèrement raciste, il ne pouvait être question d’habitants d’Uri noirs, néanmoins de contact urbain, les morues d’Uri te saluent quand elles te rencontrent ! C’est en 853 que Louis le Germanique avait confié la possession de la bourse au couvent du Fraumunster de Zurich qui en assurait la maintenance (avec succès, semble-t-il, puisque le nombre des sœurs du couvent ne cessa de croître), mais pas le commandement, lui même assuré de même que l’exercice de la justice par un avoué. L’avouerie, rouerie de Vaux (le canton, pas l’animal), consistait à faire gérer les intérêts temporels d’une abbaye ou d’un chapitre par un tiers, la méfiance la plus grande existant quant à la capacité des abbés à le faire eux-mêmes. Point n’est nécessaire d’imaginer néanmoins mille choses répugnantes perpétrées par l’Inquisition pour forcer les aveux, l’exemple d’Anthisnes en Belgique nous le rappelle à juste titre (d’alcool). En effet, cette avouerie eut, entre autres, pour vocation d’assurer la gestion du droit de cervoise attribué par le roi germanique Otton II. C’est un ensemble de métiers (32) qui permettait d’en effectuer toutes les étapes de la fabrication avant que de, en fin de journée, se rendre en ville dans les cafés liégeois. Une question nous vient à l’esprit : Le belge serait-il ingrat ? (double pour les couples). Aurait-il oublié ce qu’il doit à l’empereur franc ? Certes non, car il vénère le bon Charlemagne, protecteur des Cervoisiers, pour avoir commis cet adage politique sans égal depuis le pain et les jeux romains « Si j’ai de la bonne bière et qui plait, j’aurais aussi des sujets satisfaits ».

Un exemple similaire de confusion existe ailleurs en Suisse où à Bâle, siègent les évêques chargés des biens immobiliers et fonciers. Le flou y règne aussi bien dans les vallées de la Suze que dans la cité de l’Ajoie où les prélats ne mènent pas la vie austère qu’on imagine et disséminent patrimoine et semence tant en grands crus classés qu’en entretien de maîtresses, pardon de sœurs (c’est qu’à cette époque d’ouverture religieuse, on était sœurs de père en fils !), pour assurer leur pérennité (il faut bien que le corps exulte). Bref, en 1231, le roi Henri accorda à la corporation d’Uri une charte lui donnant l’immédiateté du droit d’avouerie que perdirent donc de fait les Habsbourgeois. Cette charte devint donc le fondement juridique des libertés des Waldstätten.

Le fondement politique, est ce au Schwytz qu’on le doit ? Le nom de Suisse s’en inspira de même que l’emblème local, drapeau rouge assorti d’une croix blanche dans un coin, témoignent de la justesse de cette supposition (prémonitoire, non ?) !

Les Habsbourgeois, également maîtres des lieux, avaient décidé de ne pas remettre l’administration de ces domaines à de fieffés vassaux pour les confier à des fonctionnaires nommés par eux et révocables, les ministériaux (surnom des ânes en vieux françois). Les schwyzois, comme les uranais, obtinrent de Frédéric II une charte (Faenza) les plaçant sous la protection tant de l’Empire que de lui-même au détriment des Habsbourg qui en contestèrent le contenu pendant plus d’un siècle.

Quant à l’Unterwald, que tout le monde oublia rapidement, on ne sait même plus pourquoi elle participa à la signature de ce serment.

Une étrangeté toponymique ne manqua pas d’interpeller les Trois Suisses, qui consistait à avoir qualifié de Grütli un lieu connu localement sous le nom de plaine de Rütli. En quoi la présence de cette lettre G titillerait-elle notre curiosité ? S’agirait-il d’un point de référence à un tireur bien connu, un fameux tireur de pommes, qui en aurait été promu es lit ? Ce G viendrait-il de Guillaume Tell ? Le mystère reste entier par delà les ans.

Que disait ce Pacte ?

« Que chacun sache donc que, considérant la malice des temps et pour être mieux à même de défendre et maintenir dans leur intégrité leurs vies et leurs biens, les signataires se sont engagés, sous serment pris en toute bonne foi, à se prêter les uns aux autres quels secours, appui et assistance… ».

Les quatre points suivants y furent plus particulièrement traités :

Assistance mutuelle, Unification des clauses pénales (pour éviter qu’un criminel ne puisse sortir d’une commune pour s’absoudre de ses condamnations), Défense des droits acquis (« refus d’être jugé par un juge ayant payé sa charge ou qui ne serait pas de chez nous », mettant là au pilori la pratique hasardeuse des ministériaux des Habsbourg), Arbitrage (les plus sages des confédérés interviennent en médiateurs, ce qui resté, avec les ans, comme un apport démocratique majeur).

Pas besoin d'internet pour être moderne, les ptits suisses nous l'ont montré dès 1291. Edifiant, non?



15/05/2006
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 22 autres membres